Ils étaient 5 000 selon les syndicats, 2 000 selon la police. Qui donc ? Des manifestants ? Pas du tout ! Il s’agissait des amateurs de chanté nwèl, cette tradition antillaise qui accompagne chaque fin d’année.
Entre début novembre et Noël, les chanté nwèl se multiplient : fêtes de quartier, rassemblements familiaux, événements gratuits organisés par les communes, soirées payantes montées par des professionnels, animations en magasin ou opérations sponsorisées par des marques. Les formats varient autant que les publics, de dix participants à plusieurs milliers.
Aujourd’hui, intéressons-nous à leur usage commercial et marketing : comment les marques capitalisent-elles sur une pratique culturelle intimement liée à la religion ?
Quand les communes perpétuent la tradition
À Ducos, Fort-de-France, Baie-Mahault, Saint-Joseph ou encore au Lamentin, les municipalités organisent chaque année des chanté nwèl gratuits dans l’espace public. Elles entretiennent ainsi une tradition populaire tout en dynamisant la vie locale. Et, en bonus, ces rassemblements constituent souvent un indicateur d’appréciation – plus ou moins avoué – de leur politique municipale. Mais lorsque Leclerc Galleria, Carrefour Dillon, Destreland, RCI Martinique ou Madiana s’y mettent… quel est réellement leur objectif ?
Ambiance matinale ou nocturne ?
Cantique à la main, près de 1 200 personnes se sont retrouvées aux aurores devant Leclerc Galleria en 2024. L’opération a nécessité deux mois de préparation et la mobilisation de neuf partenaires.
À Madiana, le chanté nwèl s’est tenu en soirée, de 18 h à 22 h. En Guadeloupe, le centre commercial Destreland a programmé le sien un dimanche après-midi, le 14 décembre à 16 h.
Peu importe l’heure, les passionnés répondent toujours à l’appel. Mais qu’est-ce qui les pousse à se rassembler ainsi, parfois avant même le lever du soleil ?
La recette d’un chanté nwèl réussi
Un chanté nwèl populaire repose sur quelques ingrédients incontournables :
- un groupe capable de mettre le feu : des valeurs sûres comme Ravine Plate ou des formations plus récentes comme XXX. Le choix du groupe influence la fréquentation et l’ambiance ;
- un relais médiatique fort : RCI joue un rôle majeur, portée par des animateurs emblématiques comme Charly ou Vincent.
- des surprises et des lots : des cadeauxxxxxxx à gagner ! cadeaux… Et bien sûr, l’incontournable pain au beurre-chocolat offert par des partenaires tels qu’Elot ou plus récemment….Renée !
Quand l’image rencontre le commerce
On mesure la réussite d’un chanté nwèl – et le talent des équipes marketing – à leur capacité à attirer la foule.
Depuis quelques années, le Palais des Congrès de Madiana a amorcé une transformation : d’un simple cinéma, il évolue vers un véritable lieu de vie. Jeux, restaurants, événements, animations… Tout est conçu pour attirer le public, même sans intention de voir un film. Le chanté nwèl s’inscrit pleinement dans cette stratégie : associer la marque à la convivialité, aux rires et aux contenus viraux sur les réseaux sociaux.
Leclerc Galleria, lui, a choisi de positionner son chanté nwèl annuel… le jour du Black Friday. Pas un hasard. Le petit-déjeuner offert était installé juste devant l’entrée du magasin : une façon très efficace de faire converger les participants vers les rayons dès 6 h du matin. Après tout, l’événement doit aussi être rentabilisé !
Comme le carnaval ou le Tour des Yoles, le chanté nwèl devient progressivement un produit culturel au service des marques. S’il conserve son âme et sa chaleur, il devient aussi un outil stratégique : générateur de trafic, créateur de contenu, vitrine d’image.
Une tradition vivante, festive… et désormais pleinement intégrée dans les logiques marketing.
