L’enseigne guadeloupéenne Renée a inauguré sa 1ère boutique en Martinique, à Ducos. Et c’est un coup stratégique qui mérite d’être analysé.
Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas la marque, Renée, c’est un mix entre sandwicherie, pâtisserie, viennoiserie et restauration rapide. Ouverts tous les jours dès 6h30 en Guadeloupe (5h30 en Martinique), ils captent le maximum de moments de consommation.
L’histoire débute en 1963, Renée vend des pâtisseries dans les rues de Pointe-à-Pitre. En 1970, avec son mari, Pierre, ils décident d’ouvrir le premier point de vente, dans la maison familiale. Les enfants reprennent le flambeau et développent l’entreprise. Aujourd’hui, ce sont les petits-fils qui poursuivent l’aventure. En 60 ans, Renée est devenue une marque à succès et un héritage familial.
La marque, reconnaissable avec sa couleur rose, est en pleine stratégie d’expansion. Elle dispose de 11 points de vente répartis dans toute la Guadeloupe. L’entreprise a investi dans un laboratoire de production flambant neuf en 2020. Elle a étoffé sa gamme de produits. On peut désormais prendre son petit-déjeuner à Renée, y acheter un snack, déjeuner et même prendre un goûter. En parallèle, la marque s’implante progressivement en France hexagonale, participe à des salons et elle a lancé un réseau de franchises.
Un positionnement hybride
Difficile de faire Renée entrer dans une case. Pour celles et ceux qui vivent / connaissent la Martinique, ce n’est ni la Fée Sylda, ni La Guérande dont le coeur de métier est la boulangerie, ni le Lina’s, ni Brioche Dorée. C’est une enseigne qui pioche dans plusieurs univers. On y trouve des sandwiches comme le bacon cheese ou le Kreyol fish ; des bagels, des plats cuisinés chauds ; des cookies, des sundaes.
C’est un positionnement plutôt transversal.
« Douceur de cacao » : le coup de génie de Renée
La nature a horreur du vide et Renée l’a bien compris.
L’entreprise a lancé Douceur de Cacao, son « chocolat tradition » et en a fait un produit signature, vendu à la fois dans ses propres boutiques et en réseau de distribution.
La Martiniquaise en moi boude car Renée est avant tout une marque guadeloupéenne qui surfe sur l’une des nos recettes iconiques : le pain au beurre chocolat. Dans le top 5 des éléments patrimoniaux de la Martinique, il y a Aimé Césaire ; le carnaval ; le tour des yoles ; le Rocher du Diamant et le pain au beurre chocolat.
L’entrepreneuse applaudit des deux mains. Bravo !
C’est brillant parce qu’ils ont :
- Fait évoluer leur branding : « Maison Antillaise » et pas seulement guadeloupéenne. Même si leur ADN est profondément Condé-Delgrès-shor(t) ils s’inscrivent dans une dimension plus large.
- Ils proposent des formats calibrés pour le grand public : briques de 1 litre vendues en GMS et dans leurs points de vente ; gobelets dans leurs boutiques.
- Développé un réseau de distribution en Guadeloupe, en Martinique, en Ile-de-France et même sur le web. Le chocolat Renée est vendu à Carrefour Genipa en Martinique, à Auchan Ducos, mais aussi à Carrefour Belle Epine ou à Auchan Cergy.
- Choisi de dépoussiérer la communication autour du chocolat en participant à des salons au niveau national comme la Foire de Paris, le salon de l’agriculture, le salon du chocolat, la Foire de Marseille et au niveau caribéen. Au carnaval de Montpellier ? Ils étaient là. Collaboration avec le rhum Montebello ? Ils sont là. Ils ont aussi collaboré avec des influenceurs locaux ou nationaux comme Le Paris d’Alexis (300K vues sur Instagram) ; Créolement Bon (300K vues) ; la chanteuse Maurane Voyer apparait dans l’une de leurs publicités. Preuve de leur volonté de s’ancrer culturellement, ils étaient présents au Tour des Yoles 2025 et au Chanté Noel de Leclerc Galleria fin novembre 2025.
Résultat : ils ont hacké le game. Personne en Martinique n’avait réellement industrialisé et marketé ce produit de cette façon.
Honnêtement, même si le chocolat / pain au beurre est en pleine phase de démocratisation commerciale en Martinique, c’était un peu ronronnant. On y reviendra.
L’implantation en Martinique : une nouvelle étape pour Renée
Pour soutenir leur stratégie d’expansion, Renée a lancé un appel à candidatures pour trouver des franchisés. Novembre 2025 : ouverture du 1er Renée à Ducos à Cocotte.
Bien sûr, j’y suis passée (pas le jour même, mais le lendemain) ! En plus d’avoir pu croiser une partie de la famille Reynaud, j’ai pu aussi constater l’affluence régulière en boutique. C’est plutôt de bon augure pour la suite.
Le développement de Renée est un cas d’école : combien d’entreprises antillaises ont développé leur propre réseau de franchise avec l’ambition de s’étendre hors de leur île ? Généralement, en Martinique et en Guadeloupe, le schéma classique, c’est plutôt l’inverse : des enseignes nationales ou internationales qui viennent s’installer ici. Très rarement l’inverse.
Même le Snack Elizé, très fort localement, n’est pas présent en Guadeloupe.
Voir une enseigne guadeloupéenne tenter l’aventure martiniquaise, c’est à la fois audacieux… et assez exceptionnel.
D’ailleurs, est-ce qu’on ne serait pas à la croisée du Snack Elizé et de Starbucks ? Snack Elizé pour l’entreprise familiale, pour le nom de famille devenu nom commercial, pour la présence iconique sur le territoire, pour la diversification autour d’un produit phare, pour l’ADN local. Starbucks pour le branding, la standardisation, l’expansion territoriale. Quand j’y suis allée, c’était assez marrant de voir les clients repartir soit avec des briques de chocolat, soit avec leur petit gobelet de chocolat chaud. « Ti plézi an nou » comme dit leur slogan. (Guadeloupéens, on vous a dit !).
Et si d’autres enseignes locales suivaient cet exemple ? La suite s’annonce passionnante.
En tout cas, félicitations Renée !

2 comments
Une très belle vision en effet, complétée par une mise en application efficace. Bravo aux équipes de Guadeloupe et Martinique qui oeuvrent pour l’essor de l’entrepreneuriat antillais. Fier de cette entreprise ; un vrai exemple !
Bonjour à vous, très bonne analyse.PS: j’ai lu dans un livre que la recette de la brique au chocolat Rénee est la recette de leur maman Martiniquaise…